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samedi 8 juin 2013

mon expérience sur le Chemin de Saint Jacques de Compostelle

Voilà un message que je voulais écrire il y a un bout de temps mais comme d'hab' je recule l'échéance. 

Au mois de mars j'ai réalisé quelque chose qui me tenais vraiment à coeur depuis quelques années, j'ai marché pendant 11 jours sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle, plus précisément sur la Via Podiensis, d'Espeyrac à Moissac. 
11jours. 208kms. 

Une épreuve! 
Je m'étais entraînée avant. Je partais la journée dans les environs de chez moi. Avec mon sac à dos comme celui que j'aurais sur le chemin. Je voulais muscler mon dos, m'habituer à porter à peu près 7-8kg tous les jours. 
Mais on a beau s'entraîner ça ne sera pas pareil sur place. 
Je suis partie le 1er mars (je suis saisonnière et je travaille lors des beaux jours et faire ça en plein hiver était exclu, mars était donc mon seul créneau). Ma môman m'avait amenée à Espeyrac pour le grand départ! Heureusement c'est le moment où le soleil avait décidé de montrer le bout de son nez. 
Et me voilà donc partie pour la première journée jusqu'à Conques. 

Au départ j'avais prévu un mois de marche, je comptais aller jusqu'aux Pyrénées, mais j'ai eu un soucis qui m'a stoppé en cours de route mais j'y reviendrais. 



Dans ma tête je partais donc pour un mois. C'est pas une mince affaire. Pendant ce temps tu abandonne tout de ta vie connue, je n'avais que mon téléphone (qui n'est absolument pas un smartphone je tiens à préciser) pour appeler en cas de danger quand même (et puis pour rassurer maman sur le chemin aussi).

Car OUI, qu'est-ce que je n'ai pas entendu comme discours avant de partir!!!! Je partais seule! j'en avais besoin, je n'aime pas marcher avec quelqu'un et fallait que mes pensées se remettent dans le bon ordre. Donc je ne voulais pas de compagnon de route. Même si croiser quelqu'un sur la route m'aurait fait plaisir mais je ne voulais partir avec personne!
"Mais tu fais ça seule???!!!" "tu n'as pas peur??!!" "C'est dangereux une fille seule sur les chemins!!" et patati et patata...
euh je vous rappelle que j'ai pris pendant plusieurs années le métro et le RER parisiens et vous ne m'avez jamais dis ça avant que je le prenne tous les matins... 
"oui mais c'est pas pareil!!" 
Oui c'est vrai qu'à la télé on entend beaucoup plus de viols et d'agressions qui se sont déroulées sur St Jacques que dans le métro, hein maman! 
"..." 
ouais 

Bref parenthèse refermée. 

J'arrive donc à Conques le premier soir. J'ai encore un peu d'énergie pour visiter le village car c'était un des villages que je voulais absolument visiter dans ma vie (études d'histoire de l'art oblige). je prends possession de ma chambre chez les frères convers... hé oui car qui dit Chemin de St Jacques dit chemin religieux et donc accueil religieux. Je tiens à préciser que je n'ai pas fait ce chemin dans un but religieux, mais plutôt une recherche de...quelque chose... 
Bref je dors chez les frères convers, mange avec les bénévoles et d'autres dames qui logent ici. Je suis fatiguée et fourbue mais ça va encore... Je ne sais pas encore que le pire va arriver. 
Car oui jusque là tout va bien.

Puis vient le lendemain. Avec les courbatures, mal partout, l'idée de devoir reprendre le sac... Aïe! 
ET ça sera comme ça les 5 premiers jours! Durant ce temps tu souffre, tu pleure, les derniers kms tu t'assoie tous les 200m (autant dire que tu arrives tard), tu ne pense même pas à regarder les paysages, tu ne pense qu'à la douleur! Tu te découvres des muscles tu savais même pas qu'ils existaient!!! t'es épuisée! tu te prends à espérer que quelqu'un te rejoigne et comme ça il pourra te remonter le moral et te soutenir jusqu'à la prochaine! tu comptes les mètres, le moindre de tes pas même! tu cries Allelluïa dès que tu vois la l'église annonciatrice du village où tu vas dormir!



Quand tu arrives sur place tu te prend une douche, tu mange parce qu'il faut manger mais tu ne pense qu'à une chose: aller te coucher. à 8h00 t'es au lit, à 8h01 tu dors. 
J'étais partie de bonnes intentions comme par exemple aller dans des cyber café pour donner des nouvelles, etc. Tu parles.  La seule force que je trouvais c'était appeler ma mère et c'est elle qui mettait les nouvelles sur fb. 
tu conçois le temps autrement. 
Tu te lève tôt pour partir le plus tôt possible et arriver le plus tôt possible pour dormir le plus vite possible. la nourriture c'est juste du carburant. Tu reprends bien le temps de faire ta collation de 10h et le goûter sinon tu ne tiens pas. 

Et puis passe le 5e jour. Et là tout est différent. certes le chemin n'est pas facile mais tu n'es plus obligée de te tartiner de crème décontractante matin et soir sur des jambes dure comme du bois à force d'être tendues. Tu regardes ce qui t'entoure avec un autre regard, tu te met à réfléchir de façon plus posée (et pas seulement à te dire Aïe j'ai mal! je veux que ça cesse! mais pourquoi j'ai eu cette p****** d'idée) à ce moment-là tu es heureuse d'avoir pris cette décision. Tu fais la paix avec toi-même, tu découvres des réponses aux questions que tu te posais. 
Tu découvres des gens (ceux chez qui tu dors, ceux que tu croisent), ils t'apportent tous quelque chose. Même un petit rien parfois c'est juste un peu de réconfort qui te permettra de faire quelques kms en plus. 
Je me suis même découvert une spiritualité, enfin non je l'avais mais je me refermais en ne voulant pas me l'avouer. Je ne peux pas mettre de nom dessus. C'est ma spiritualité propre et je me sens plus entière depuis. 
Je n'ai pas rencontrer d'autres pèlerins sur le chemin, j'étais une des premières et c'était assez vide. Mais d'autres personnes étaient là. 

Finalement au bout de 150km j'ai pris une décision. Je devais m'arrêter. J'avais effectivement très mal à un pied (un orteil précisément). Je ne savais pas de quoi il s'agissait et je préférais donc stopper plutôt que d'aggraver la chose, surtout avant de reprendre le travail (oui une guide touristique avec un problème au pied c'est moyen). Je me suis donc dit que je continuais jusqu'à Moissac, autre ville que je voulais vraiment visiter. Cela me faisait onze jours de marche et 200km. ça me paraissait acceptable pour ne pas être frustrée de ne pas avoir tout fait. 

Arrivée à Moissac j'y ai en fait passé 2 jours, je voulais prendre le temps de visiter avant de rentrer chez moi. Et en déambulant dans la ville en me disant qu'il me manquait un petit quelque chose pour conclure mon voyage, je suis tombée sur un vieux monsieur. On a papoté pendant une heure, de tout, de rien, de beaucoup de choses. On a partagé. Il m'a apporté énormément, m'a ouvert l'es yeux, l'esprit, le coeur. Il a était mon point final. Pour ça je lui dit dit merci car je n'ai pas pu lui dire en le quittant, je ne m'en était tout simplement pas encore rendue compte. 

Voilà en un bref compte rendu mon trajet sur St Jacques. Je ne peux pas rentrer dans les détails car ce serait trop long. Mais le voyage m'a apporté beaucoup de choses. On a apprend à réfléchir et à se poser les bonnes questions. On élabore des projets. Marcher physiquement c'est faire marcher sa tête c'est bien connu. 
J'étais effectivement partie randonneuse, et je ne pensais pas que ça pouvais m'arriver mais je suis rentrée pèlerine. Je me suis redécouverte. J'ai aussi appris que le chemin t'apportait beaucoup. ce chemin est chargé en énergie mais ça il n'y a que les personnes que l'ont expérimenté qui peuvent comprendre. C'est bête mais quand tu as besoin de quelque chose dans ta marche, le chemin...va te le fournir. N'importe quoi: une fontaine pour l'eau, un abri contre la pluie ou le vent, la force de continuer à ce moment où tu pensais vraiment t'arrêter... Tu te met à penser au chemin comme une entité à part entière, tu te met à imaginer tous ceux qui l'ont parcouru avant toi. Tu te met à pleurer bêtement devant un paysage superbe mais tes émotions sont à fleur de peau à ce moment-là. Comme je le disais tu te découvre. 

Bref, j'ai fait une partie du Chemin de Saint-Jacques de Compostelle, et je le continue l'année prochaine.